Ah, le gluten. Ce mot est sur toutes les lèvres, ou plutôt, dans tous les rayons bio et les conversations bien-être. D’un côté, on l’accuse de ballonnements, fatigue, et même de brouillard cérébral. De l’autre, on le défend comme une pauvre protéine injustement diabolisée. Mais qu’en est-il réellement ? Est-ce un vrai problème de santé publique ou juste la star déchue d’un buzz alimentaire ? Aujourd’hui, on enfile nos lunettes de détective scientifique pour démêler le vrai du faux.

gluten_les danger (2)

Qu’est-ce que le gluten, et pourquoi tout le monde en parle ?

Le gluten, c’est une protéine naturellement présente dans le blé, le seigle et l’orge. Plus précisément, il est composé de deux parties : la gliadine (responsable de l’élasticité) et la gluténine (qui donne cette texture moelleuse aux pains et pâtisseries). Sa fonction ? Être la colle magique qui lie les ingrédients ensemble, d’où son nom, tiré du latin gluten, qui signifie « colle ».

Mais pourquoi le gluten est-il devenu un problème soudain ? Tout commence par une reconnaissance accrue de la maladie cœliaque, une maladie auto-immune où l’ingestion de gluten déclenche une réponse inflammatoire sévère dans l’intestin grêle. Mais, spoiler alert, cela ne concerne qu’environ 1 % de la population mondiale.

Alors, pourquoi autant de gens évitent-ils le gluten ?

L’hypersensibilité au gluten non cœliaque

Entre 6 et 13 % des personnes dans le monde rapportent des symptômes similaires à ceux de la maladie cœliaque (ballonnements, douleurs abdominales, fatigue) mais sans les marqueurs biologiques spécifiques. Ce trouble est connu sous le nom d’hypersensibilité au gluten non cœliaque (HGCNC).

Une étude publiée dans Nutrients en 2018 montre que ces symptômes pourraient être liés à d’autres facteurs, comme :

  • Une sensibilité aux FODMAPs, ces sucres fermentescibles présents dans le blé.
  • Des déséquilibres dans le microbiote intestinal.
  • Une inflammation légère mais chronique de la paroi intestinale.

En d’autres termes, le gluten n’est peut-être pas toujours le vrai coupable, mais il est souvent associé à d’autres perturbateurs digestifs.

L’effet placebo (ou nocebo)

Le pouvoir de l’esprit est incroyable. Une étude de Gastroenterology a montré que certaines personnes rapportant une amélioration de leurs symptômes après avoir supprimé le gluten n’avaient en réalité pas de problème avec cette protéine. Cela suggère que l’effet placebo (ou nocebo, si vous croyez que le gluten est mauvais) joue un rôle clé.

lire plus d’articles sur l’intolerance au Gluten


Les vraies données : un problème de santé publique ou un mythe ?

La maladie cœliaque : un vrai problème, mais pour une minorité

Selon The Lancet Gastroenterology, la prévalence de la maladie cœliaque a quadruplé en 50 ans. Pourquoi ? Probablement à cause de diagnostics plus précis, mais aussi de changements dans notre alimentation (blé plus riche en gluten, aliments ultra-transformés).

Les produits ultra-transformés : un ennemi masqué

Dans de nombreux cas, ce n’est pas le gluten en soi qui pose problème, mais l’environnement dans lequel il est consommé. Prenez une pizza industrielle : elle contient non seulement du gluten, mais aussi des graisses saturées, des sucres, et des additifs qui peuvent perturber le microbiote.

Une étude de BMJ Open a montré que 60 % des calories consommées dans les pays occidentaux proviennent d’aliments ultra-transformés, souvent riches en gluten. Ces aliments modifient la composition du microbiote et augmentent la perméabilité intestinale, ce qui peut exacerber les réactions inflammatoires.

Le gluten et le microbiote : une relation compliquée

Le gluten interagit avec notre microbiote intestinal, ce monde fascinant de bactéries qui jouent un rôle clé dans notre digestion. Une étude publiée dans Frontiers in Microbiology a révélé que le gluten pouvait altérer la diversité bactérienne chez certaines personnes. Cependant, cet effet est souvent amplifié par d’autres facteurs, comme le stress, les antibiotiques ou une alimentation pauvre en fibres.


Gluten-free : une mode ou une nécessité ?

Le marché des produits sans gluten a explosé ces dernières années. Selon Euromonitor, il est passé de 4 milliards de dollars en 2010 à 9 milliards en 2023. Mais attention, « sans gluten » ne veut pas dire « sain ».

Beaucoup de produits sans gluten contiennent plus de sucres, de graisses et d’additifs pour compenser la texture et le goût. Résultat : ils ne sont pas forcément meilleurs pour la santé, et peuvent même être plus caloriques.

Pourquoi le gluten est-il devenu un bouc émissaire ?

Plusieurs raisons expliquent cette diabolisation :

  1. La simplification médiatique : Le gluten est devenu un symbole facile à comprendre et à éviter.
  2. Les gourous bien-être : Ils adorent raconter comment leur vie a changé depuis qu’ils ont banni le gluten.
  3. Une société en quête de contrôle : Éliminer le gluten donne l’impression de reprendre le pouvoir sur sa santé, même sans diagnostic clair.

Alors, le gluten est-il vraiment un ennemi ?

Pour les personnes atteintes de maladie cœliaque ou d’hypersensibilité réelle, oui, le gluten est un problème sérieux. Mais pour la majorité des gens, il est surtout un bouc émissaire pratique pour expliquer des troubles digestifs liés à des causes plus complexes : aliments ultra-transformés, microbiote déséquilibré, stress chronique…

Plutôt que de diaboliser le gluten, peut-être devrions-nous nous concentrer sur une alimentation variée, riche en fibres et en aliments entiers, pour donner à nos intestins les outils dont ils ont besoin pour fonctionner au mieux.

Et vous, êtes-vous plutôt team baguette ou team sans gluten ?